Le véganisme est en plein essor en Suisse. Mais qui sont les véganes ? Comment se comportent-ils ? Qu’est-ce qui les a poussés à adopter ce mode de vie ? Comment se sentent-ils ? Pour répondre à toutes ces questions (et bien d’autres), nos amis bernois de Tier im Fokus (TIF) ont effectué durant tout le mois de juin 2019 une grande enquête via un questionnaire très poussé adressé aux véganes vivant en terres helvètes. Avec 2’444 participants, il s’agit de la plus grande étude jamais menée dans notre pays sur le sujet.
Éthique animale et climat
Pourquoi avoir choisi d’être végane ? Pour les animaux, affirment 95% des sondés. Les questions environnementale et sanitaire ont aussi pesé dans la balance pour respectivement 77% et 56% d’entre eux. Viennent ensuite la volonté de réduire la faim dans le monde (34%) et la religion (9%).
Si le véganisme a la cote, il ne s’agit pas d’une mode instiguée par les réseaux sociaux puisque seulement 14% des personnes interrogées ont répondu avoir été influencées par Facebook et 12% par Instagram. Près du tiers des véganes (32%) ont découvert et été séduits par la pratique grâce à leur entourage, tandis que livres et vidéos YouTube ont contribué à hauteur de 25% chacun à ce changement de vie. Les proches des véganes ont dans l’ensemble plutôt bien accueilli leur transition.
Souvent considéré a priori comme quelque chose de difficile, 83% des sondés affirment qu’être végane est facile ou plutôt facile. 91% se sont aisément passé de viande, 72% d’œufs et 67% de produits laitiers.
Jeunes non-croyants
La véganisme séduit surtout les jeunes adultes : 71% de la population végane en Suisse a entre 17 et 39 ans. Ils sont suivis des 40-64 ans (25%). Loin derrière, les plus de 65 ans représentent 3% et les moins de 17 ans seulement 2%.
79% des personnes ayant participé à l’étude ont par ailleurs déclaré n’appartenir à aucune communauté religieuse. 37% s’intéressent toutefois à la spiritualité, tandis que 26% se qualifient d’athées et 12% d’agnostiques.
L’Église a beaucoup contribué au peu de valeur accordée aux animaux dans la société, déplore Tobias Sennhauser. C’est donc tout logiquement que ceux qui refusent le spécisme rompent avec les discours religieux.
Nombreux préjugés balayés
Contrairement aux idées reçues, les véganes ne viennent pas seulement des milieux urbains. 25% d’entre eux vivent en campagne, contre 44% en ville et 30% en périphérie. Quant au sexe, le véganisme a séduit quatre fois plus de femmes que d’hommes.
Autre préjugé mis à mal par ce baromètre : pas besoin d’avoir fait des études supérieures pour s’intéresser au véganisme. 15% des sondés sont au bénéfice d’un master universitaire, 17% d’un bachelor, 17% ont suivi un enseignement professionnel supérieur et 24% une formation professionnelle de base. Le salaire mensuel se situe entre CHF 2’000 et 6’000.- pour près de la moitié (44%) des personnes interrogées. 24% gagnent moins de 2’000.- par mois, et seulement un végane sur six (17%) a un revenu supérieur à 6’000.-.
L’hétérogénéité du mouvement montre qu’il s’agit bien d’une question sociétale, se réjouit Tobias Sennhauser. Le véganisme est à la portée de tous, pas seulement des riches citadins.
Le véganisme au cœur de la société
Tier im Fokus se réjouit des connaissances approfondies acquises grâce au Baromètre végane 2019. C’est la première fois qu’une analyse pointue du mouvement végane en Suisse peut être effectuée, a déclaré Tobias Sennhauser, président de l’association. Concernant la répartition hommes-femmes, il avance l’hypothèse du patriarcat, dans une société où les hommes doivent être forts et cacher leurs sentiments, alors que les femmes peuvent montrer leur compassion. La consommation de viande reste en effet souvent associée à la virilité. Il n’est pas surpris non plus par le peu d’attrait des véganes suisses pour la religion : L’Église a beaucoup contribué au peu de valeur accordée aux animaux dans la société, déplore-t-il. C’est donc tout logiquement que ceux qui refusent le spécisme rompent avec les discours religieux.
Les conclusions de l’étude sur les sujets de l’éducation, du revenu et du milieu sont plutôt encourageantes. L’hétérogénéité du mouvement montre qu’il s’agit bien d’une question sociétale, se réjouit Tobias Sennhauser. Le véganisme est à la portée de tous, pas seulement des riches citadins.
Concernant la répartition hommes-femmes, Tobias Sennhauser avance l’hypothèse du patriarcat, dans une société où les hommes doivent être forts et cacher leurs sentiments, alors que les femmes peuvent montrer leur compassion. La consommation de viande reste en effet souvent associée à la virilité.
Alimentation
Les véganes acceptent de payer plus cher pour avoir des produits de haute qualité. Le Baromètre 2019 montre également une grande conscience écologique.
La qualité avant tout
Les véganes apportent un soin particulier au choix des produits alimentaires qu’ils achètent, notamment grâce aux labels. À la question de savoir quel tofu ils achèteraient, 68% des sondés ont porté leur choix sur du tofu BIO suisse (à CHF 3.80 les 230 g). 16% auraient choisi du tofu BIO allemand, moins cher (3.25 pour 250 g) et seulement 7% du tofu standard, à 2.- les 200 g (les trois produits sont disponibles chez Migros).
Les labels sont plébiscités par la population végane en Suisse : 82% s’intéressent au BIO, 72% aux produits saisonniers et 67% au commerce équitable. Seuls 4% des personnes interrogées ont déclaré ne pas y prêter attention. Rien d’étonnant, alors, à ce que 89% soient prêts à payer plus cher pour des produits de meilleure qualité, alors que 8% à peine tentent d’économiser sur l’alimentation. Les types de commerces fréquentés le confirment également : quatre véganes sur cinq se rendent régulièrement dans un magasin spécialisé et 44% vont au marché, tandis que 13% ont souscrit un abonnement pour des paniers de fruits et légumes. 94% font toutefois régulièrement leurs courses en grande surface, dont l’offre est accueillie de manière mitigée : elle est trop faible pour 53% des sondés, tandis que 38% la jugent suffisante.
Les véganes : des consommateurs à part
À l’heure où le tourisme d’achat ne cesse de croître, les véganes font figure d’exception : ils acceptent de payer plus cher pour avoir des produits de haute qualité, constate Tobias Sennhauser. Le Baromètre 2019 montre également une grande conscience écologique. En plus des animaux, la plupart des véganes se soucient du sort de la planète, ajoute-t-il. Les produits BIO et locaux sont donc tout naturellement favorisés par cette population.
Le président de TIF ajoute que le mode de consommation des véganes est une grande opportunité pour l’agriculture et l’industrie alimentaire locales et constitue un marché en pleine croissance, les consommateurs étant prêts à assumer les coûts supplémentaires.
POLITIQUE
42% des véganes militent pour les droits des animaux et la promotion du véganisme.
Des militants engagés
Le Baromètre végane 2019 situe le végane suisse à gauche, proche des Verts. De nombreux véganes affirment être très attachés aux animaux et soutenir les actions de désobéissance civile. L’alimentation constitue bien plus qu’un plaisir : c’est également un acte politique, un boycott de la violence infligée aux animaux, pour 61% des sondés. Les véganes étendent le cercle de la justice aux autres animaux, confirme Tobias Sennhauser.
Actifs pour les animaux
On compte une grande part d’activistes parmi les véganes : 42% militent pour les droits des animaux et la promotion du véganisme (à titre de comparaison, dans la population globale suisse, tous sujets confondus, seule une personne sur quatre milite). 59% des personnes interrogées participent à des manifestations et actions de protestations, 36% à la récolte de signatures pour des initiatives populaires ou encore 35% à la distribution de tracts. Les événements culinaires attirent quant à eux 27% des sondés.
10% des personnes interrogées affirment participer à des actions directes non autorisées, enquêtes en caméra cachée ou blocage d’abattoirs. Les véganes suisses soutiennent les actions légales (88% approuvent les manifestations autorisées, 80% la distribution de tracts), mais aussi illégales, à hauteur de 79% pour les tournages en caméra cachée dans les élevages ou les usines, 56% pour les exfiltrations d’animaux et 51% pour les blocages d’abattoirs. Les dommages matériels ou corporels à l’encontre des dirigeants de l’industrie animale ne sont quant à eux plébiscités que par respectivement 10% et 5% des sondés.
Dans les urnes
Les véganes portent un intérêt aux questions politiques nettement supérieur à la moyenne. 71% ont affirmé voter régulièrement (selon l’Office Fédérale de la Statistique, OFS, ce taux est d’environ 44% au niveau de la population globale suisse). Seuls 8% disent ne pas s’intéresser à la politique.
Plutôt vertes, 94% des personnes ayant participé à l’enquête se placent au centre gauche de l’échiquier politique. 89% d’entre elles s’intéressent à la politique environnementale, 81% à la politique agricole et 79% à la justice sociale. Elles sont en revanche moins impliquées dans les questions qui touchent à la migration (55%) et les relations internationales (31%).
Les intérêts économiques liés à l’industrie animale sont largement défendus par les citoyens. La majorité agrarienne de droite bloque tout progrès en faveur des animaux, déplore le président de TIF.
La loi entrave le bien-être animal
Tobias Sennhauser ne se montre pas surpris par la sensibilité verte de nombreux véganes. L’élevage est l’un des principaux responsables du réchauffement climatique, explique-t-il. Le rapport du Conseil Fédéral le reconnaît d’ailleurs : l’agriculture n’a pas encore atteint un seul de ses objectifs environnementaux. Une étude Agroscope recommande notamment de réduire les effectifs des animaux de rente. Mais avec le Parlement actuel, ces mesures n’ont aucune chance d’aboutir puisque les intérêts économiques liés à l’industrie animale sont largement défendus par les citoyens. La majorité agrarienne de droite bloque tout progrès en faveur des animaux, déplore le président de TIF, qui cite par exemple la demande de suppression du soutien de l’État à la publicité pour la viande et les produits laitiers, adressée au Parlement.
SANTÉ
À la quasi unanimité (97%), les participants à l’étude décrivent leur santé comme bonne ou très bonne et l’attribuent principalement à leur régime alimentaire.
Les véganes se portent bien...
Manger végétalien permet de vivre mieux. Le Baromètre 2019 de Tier im Fokus en témoigne : la grande majorité des véganes se sentent en meilleure santé depuis leur transition. Nous sommes ce que nous mangeons, dit l’adage. On le sait, la nutrition joue un rôle essentiel pour la santé. Malheureusement, de nombreux préjugés existent encore face au végétalisme. La Commission Fédérale de la Nutrition (CFN) a consacré un rapport sur la question (2018), formulant des recommandations, notamment en matière de supplémentation en certaines vitamines. Et les véganes connaissent très bien leur sujet, puisque 87% des personnes interrogées ont affirmé n’avoir aucune crainte d’éventuelles carences. 79% se complémentent en vitamine B12 et 38% en vitamine D. Une petite minorité de 11% s’alimente sans compléments. Tobias Sennhauser salue cette attitude : Si vous adoptez une alimentation exclusivement végétale, il faut vous complémenter en B12. En hiver, il est également recommandé de prendre de la vitamine D.
… et le ressentent !
À la quasi unanimité (97%), les participants à l’étude décrivent leur santé comme bonne ou très bonne. Ils l’attribuent principalement à leur régime alimentaire : 71% déclarent que leur bien-être s’est amélioré depuis leur transition. Parmi les sondés souffrant de maladies chroniques, 43% ont constaté une amélioration de leur état de santé. Même tendance chez les véganes souffrants d’intolérances alimentaires : 39% ont vu leurs symptômes diminuer depuis l’adoption d’un régime végétalien.
Avec une occurrence de 9%, l’état dépressif est en revanche relativement élevé chez les véganes (alors qu’il est de 5,2% seulement chez la population totale, d’après le rapport Obsan 2013). Tobias Sennhauser l’explique ainsi : Lorsque vous êtes végane, vous avez un sens aigu de la justice. Les véganes sont donc plus impactés par ce qu’endurent les animaux.
Seulement 14% des véganes sont en surpoids : c’est trois fois moins que dans l’ensemble de la société suisse (42,5%).
Un mode de vie sain
Comme le montre le Baromètre 2019, les véganes suisses pratiquent une activité physique régulière. 22% s’entraînent quatre fois par semaine ou plus, 43% deux à trois fois et 15% une fois. Seuls 21% ne font que rarement ou jamais de sport. Cela se reflète sur leur IMC (indice de masse corporelle) : 74% ont un poids normal, 12% présentent un poids insuffisant, 11% un excès de poids et 3% sont obèses, d’après les valeurs de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Le nombre de personnes en surpoids parmi les omnivores est significativement plus élevé. Selon une étude réalisée par l’Université de Zurich pour le compte de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP), 30% de la population suisse est en surpoids et 12,5% souffre d’obésité.
Moins d’alcool, plus de cannabis
La consommation d’alcool est nettement plus faible chez les véganes que pour le reste de la population. Alors que 11% des Suisses consomment de l’alcool quotidiennement, ce taux n’est que de 1% chez les véganes, dont la plupart (82%) n’en boivent qu’occasionnellement (plusieurs fois par mois ou par an). L’étude bernoise a en revanche mis en avant une consommation trois fois plus élevée de cannabis chez les sondés (24%) que pour la population suisse (7,3% d’après l’OFSP).
À propos de Tier im Fokus (TIF)
Tier Im Fokus (TIF) est une association de défense des droits des animaux. Elle s’engage pour l’abolition de l’exploitation animale, le combat du spécisme et la promotion du véganisme.
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