Le 18 décembre dernier s’est tenu à Nyon (VD) le procès d’Elisa Keller, 21 ans, déléguée suisse de l’association 269 Libération animale Suisse, et de sa complice âgée de 22 ans. Les deux jeunes femmes étaient jugées pour avoir libéré en mars 2018 dix-huit cabris de l’abattoir de Rolle.
Elisa Keller, déléguée de l’association 269 Libération animale Suisse
Le verdict est tombé deux jours plus tard : les activistes ont été reconnues coupables de violation de domicile et appropriation illégitimes de choses (oui, vous avez bien lu) et condamnées à 120 jours-amendes à 30 francs pour la première (contre qui la contrainte a également été reconnue dans deux autres affaires, l’occupation d’un abattoir à Vich et la participation à une manifestation contre un projet d’abattoir à Aubonne) et 60 jours-amendes à 30 francs pour la seconde. Elles doivent en outre verser 11’000 francs à l’éleveur et s’acquitter des frais de justice. Une collecte de fonds a été lancée.
Pour ce premier procès lié à l’antispécisme en Suisse, le juge nyonnais a ainsi voulu donner un signal fort en prononçant des peines bien au-delà de ce qui avait été requis par le procureur, qui avait recommandé le sursis. Si le verdict a été plébiscité par de nombreux anonymes très remontés par ces actes, comme en témoignent les centaines de commentaires désobligeants et parfois même insultants, voire parfaitement hors sujet, qui ponctuent les articles des médias numériques, il a galvanisé les militants, bien décidés à poursuivre leur combat en faveur des animaux.
Il faut mettre l’accent non pas sur l’antispécisme mais sur le spécisme, c’est-à-dire l’exploitation animale. C’est le spécisme qui doit être débattu… et condamné. Tant qu’un changement de paradigme ne sera pas opéré dans la société, ces actes perdureront.
Yves Bonnardel, philosophe
Elisa Keller se réjouit d’ailleurs que ce procès très médiatisé ait porté la cause animale sur le devant de la scène. À l’image des Suffragettes il y a tout juste un siècle, qui ont eu recours à des actes de vandalisme pour alerter l’opinion publique et revendiquer le droit de vote, les militants antispécistes estiment que cette phase d’actions fortes est nécessaire pour sensibiliser le public à une idéologie encore méconnue.
Nous sommes obligés de braver la loi pour venir en aide à des individus en détresse qui vont mourir, a expliqué la seconde prévenue, immédiatement moquée par le conseil de la partie adverse, qui a souhaité remettre l’église au milieu du village : si les militants considèrent les animaux comme seules victimes, l’avocat n’a pas hésité à ironiser sur la planète mentale sur laquelle vivent selon lui celles qui ont sauvé ces cabris d’une mort certaine, martelant que les vraies victimes sont les éleveurs et criminalisant les antispécistes, relégués au rang de méchants tout comme les animaux à l’état de choses. Si la législation actuelle abonde dans son sens, les activistes justifient ces actes par un devoir moral envers les animaux, victimes d’un système injuste.
Elisa Keller, qui prône la désobéissance civile pour rallier l’opinion publique à la cause animale, ne regrette rien. Ce dont j’écope est tellement insignifiant par rapport aux infractions commises chaque jour sur des millions d’animaux, affirme-t-elle avec humilité. La jeune femme se prépare à faire appel de sa condamnation auprès du Tribunal Cantonal. Affaire à suivre...
Qu’on le veuille ou non, la question animale est plus que jamais sous le feu des projecteurs. D’ailleurs, l’intérêt pour les produits alternatifs (véganes) se montre de plus en plus grand, signe que les consciences s’éveillent et que les consommateurs aspirent peu à peu à changer leurs habitudes.
- CL -
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